Le lithium est de plus en plus convoité à mesure qu’accélèrent l’intelligence artificielle et la transition énergétique. Que nous dit ce nouvel or blanc présent de manière inégale sur plusieurs continents des jeux de pouvoir et des équilibres mondiaux ?
Avec
- Mathilde Allain, Maîtresse de conférences en science politique
- Yves Jégourel, Économiste français
- Gilles Lepesant, Géographe français
- Thibaud Voïta, Docteur en science politique français
En pleine guerre, jamais à court d’idées pour faire pression sur ses alliés, Donald Trump a émis une nouvelle condition au maintien de l’aide américaine à l’Ukraine : la garantie d’un accès privilégié à ses ressources minérales – uranium, titane, graphite, lithium – dont le besoin augmente au rythme accéléré de l’intelligence artificielle et de la transition énergétique. Ironie de la situation : ces minerais ukrainiens sont principalement situés à l’est, dans le Donbass, sous occupation russe.
Une prédominance de la Chine, premier producteur mondial de batteries et de véhicules électriques
Au-delà du mercantilisme transactionnel mis en place par Washington, le cas du lithium, ce nouvel or blanc inégalement présent sur plusieurs continents, illustre la domination acquise par la Chine tant en termes de production que de raffinage et de transformation. C’est ainsi que l’Empire du Milieu est devenu le premier producteur mondial de batteries et de véhicules électriques, inondant en particulier le marché européen au moment où les tensions commerciales avec les Etats-Unis ne cessent de s’aggraver. Pourquoi une telle prédominance de la Chine alors que l’Australie et le Chili disposent des réserves de lithium les plus considérables ? Fidèles aux objectifs stratégiques du régime depuis Deng Xiaoping, les entreprises chinoises dominent aujourd’hui toute la chaîne de valeurs, des salines du Chili à la plus grande mine d’Afrique, au Zimbabwe. L’Europe détient elle aussi des gisements de lithium – il y en a en France – mais les enjeux environnementaux, les besoins en eau en particulier, ralentissent les ardeurs des investisseurs. Bruxelles a pris conscience de l’urgence à sécuriser l’accès aux matières premières, et pourrait jouer sa carte en offrant aux pays producteurs d’être pris en étau dans la confrontation entre la Chine et les Etats-Unis. Encore faut-il que l’Europe tienne son rang tant au niveau technologique qu’industriel, en progressant en particulier dans le recyclage des batteries.