CLEVERT est un programme de recherche mené par le CNRS – CREDA en collaboration avec l’IRD (PALOC) et le MNHN – CERSP. Ce programme constitue une réponse à l’appel d’offre « Projets innovants » lancé par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité en 2009. Il est financé par le Ministère de l’Ecologie (10-MBGD-BIODIVERSITE-2-CVS-051). Un financement complémentaire de l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Consignations nous a été accordé pour la période 2012-2012. La responsable de l’Institut CDC pour la Recherche est Isabelle Laudier, chargée d’accompagner nos travaux.
Le programme CLEVERT s’est déroulé entre 2010 et 2012, dans trois communes rurales de 600 à 1700 habitants. Nous avons procédé à des échantillonnages de biodiversité, réalisé une cartographie historique et IVB, une enquête anthropologique, et à l’application de questionnaires visant à mesurer les dispositions des habitants à l’égard de leur environnement. La méthodologie participative visait à
la fois à impliquer les habitants dans le recueil et le traitement des données, et à observer un éventuel changement de disposition des équipes municipales en place à l’égard de l’environnement.
Chaque commune étant considérée sous l’angle de son histoire propre, nous avons cherché les facteurs pertinents pour mettre en relation dynamiques sociales et état environnemental. Ces facteurs pertinents semblent être : 1) la structure de la propriété foncière avant le remembrement, qui fut déterminante dans son application plus ou moins radicale : les petits propriétaires exploitants (Saints-en-Puisaye) ont arraché moins de haies que les fermiers et métayers ayant brusquement accédé à la propriété (Genétouze). Ces phénomènes se sont bien entendu intensifiés avec la concentration des exploitations. Cette hypothèse demande à être vérifiée par un échantillonnage national. 2) le phénomène de » rurbanisation « , qui a débuté dans les années 70. Nous distinguons rurbains (résidant en zone rurale et travaillant en ville) et néo-ruraux (urbains ayant décidé de vivre et travailler en zone rurale). Selon la proximité des centres administratifs et industriels, et en fonction des politiques municipales plus ou moins favorables à l’extension urbaine, les communes ont maintenu (Saints-en-Puisaye) ou réduit considérablement (la Genétouze) les capacités de régénération des écosystèmes. 3) Les communes étudiées n’ont pas qu’une histoire propre : cette histoire a forgé un ensemble de représentations collectives. Leur prégnance les a rendues déterminantes pour l’orientation des politiques communales. En dépit des changements de majorité (Flagy), ou des mutations sociales et démographiques, on observe une grande homogénéité de vue entre habitants d’origine locale ou régionale et nouveaux habitants d’origine urbaine ou plus lointaine. Ces représentations sont propres à chaque commune considérée. 4) Les notions de « nature » et « d’environnement » sont floues : elles renvoient tantôt aux écosystèmes, tantôt au cadre ou à la qualité de vie. Les espèces nuisibles sont catégorisées en fonction des activités
prédominantes : s’il s’agit de jardinage, les nuisibles désignés seront la microfaune du jardin ; s’il s’agit de cultures céréalières, les corneilles et les étourneaux seront les premiers cités. 5) Ces éléments pointent l’inutilité de politiques de réhabilitation environnementale qui ne tiendraient pas compte des dispositions collectives exprimées dans chaque commune, chacune différant des autres dans ses dynamiques et dans son environnement. Toute politique visant à une réhabilitation d’ensemble des écosystèmes devrait tout d’abord s’efforcer de clarifier les concepts sur lesquels elle repose, puis développer une connaissance fine des enjeux locaux de biodiversité permettant de cibler cette politique. Un travail de recherche participative permet, en amont, d’identifier ces enjeux, et en aval, de sensibiliser les habitants à l’état réel de l’environnement de leur commune, facilitant ainsi l’adoption de scénarios favorables à la biodiversité ordinaire. Le rapport s’achève par des scénarios applicables séparément aux trois contextes identifiés, selon les catégories d’acteurs et selon les communes.
Ses objectifs :
- mettre en place une démarche participative ;
- solliciter les savoirs locaux ;
- fournir aux communes partenaires des éléments d’aide à la décision ;
- observer la disposition des habitants à l’égard d’une réhabilitation de la nature « ordinaire »
Qu’est-ce que la nature ordinaire ?
La « nature ordinaire » est définie par défaut comme n’étant ni emblématique, ni remarquable, donc hors de toute zone et de tout programme de protection : haies, bords de routes, friches, jachères,
bosquets, avec leur cortège de hérissons, grenouilles, vipères, pies, ronces, orties et chèvrefeuille. De fait, plus de 80% du territoire est constitué de ces faunes et flores de « second ordre », ne bénéficiant d’aucune attention ni bienveillance particulières, voire qualifiées de nuisibles.
On comprend aisément qu’un changement généralisé d’attitude à l’égard de cette nature reléguée offrirait un vaste espace de coexistence entre aménagements territoriaux destinés aux humains et espaces laissés à la faune et à la flore sauvages.
Déroulement et programme
Nous nous proposons de consolider un réseau scientifique en Sciences de la Nature et Sciences humaines (écologues, géographes, anthropologues) autour d’une méthodologie commune, expérimentée avec les acteurs locaux (élus, associations, simples citoyens).
Les données biologiques présentées par les écologues seront mises en balance avec les représentations et usages de la nature et les projets des acteurs locaux pour construire ensemble des
programmes de réhabilitation à l’échelle communale.
Par cette méthode, nous souhaitons contribuer au débat sur la gestion des espaces habités dans une perspective de « durabilité forte » en montrant les mécanismes sociaux jouant sur l’évolution des
pratiques territoriales, par une meilleure connaissance des modes de valorisation de la biodiversité ordinaire, considérée ou non sous l’angle de la « ressource naturelle », en proposant une cartographie synthétique de la diversité des espèces et des usages dans chacun des sites étudiés.
Principes méthodologiques :
Notre méthodologie porte sur les usages, la transmission et la représentation du territoire et de la
nature « ordinaire », tels qu’on peut les appréhender à travers les savoirs locaux sur différentes
générations, afin de déterminer :
- si le territoire joue un rôle dans la reproduction sociale (selon différents modes d’identification, de représentation, d’appropriation et de transmission), et quelle part y occupe la nature dite ordinaire.
- s’il est possible de passer d’une perspective purement gestionnaire à une perspective embrassant la relation à l’environnement, la culture et les stratégies de subsistance sur le long terme. A cette fin, nous privilégions le relevé de cartes mentales que nous confronterons avec des données SIG.
Dans le cadre du programme CLEVERT, les anthropologues accompagnent les activités, établissent les typologies d’habitants en fonction de leurs savoirs, origines, pratiques et activités; ils décrivent les réseaux de sociabilité; ils relèvent et transcrivent les récits pertinents concernant l’histoire locale et les représentations liées à l’environnement. L’écologie doit réaliser des inventaires de biodiversité fondés sur des échantillonnages représentatifs, en établissant des catégories de milieux naturels (zone boisée, bord de champ, prairie) qui permettront par la suite de définir les enjeux de la biodiversité présente. La géographie et principalement la cartographie – dans ses multiples dimensions – constitue un
élément essentiel dans notre processus de restitution et d’interaction avec les communautés étudiées.
L’équipe de recherche
Anthropologie
Florent Kohler, directeur de recherche au CREDA (CNRS), maître de conférences à l’Université de Tours. Docteur en littérature comparée. Ses domaines de recherche portent sur les aires protégées
au Brésil (Amazonie) et les rapports hommes/environnement.
Tiffany Garcia Parrilla, doctorante, titulaire d’un Master « Etudes internationales » spécialité Etudes Latino-américaines « Les relations entre l’Europe et l’Amérique latine » Institut des Hautes Etudes sur
l’Amérique Latine (IHEAL), Paris 3 Sorbonne Nouvelle.
Florence Pinton, sociologue, directrice de recherche à AgroParisTech, spécialiste de l’Amazonie (savoirs traditionnels, développement durable), elle dirige également des recherches menées sur le Territoire français, en particulier en Puisaye-Forterre.
Géographie
Guillaume Marchand (post-doc), docteur en Géographie (2010). Spécialiste des systèmes d’indicateurs de durabilité (Programme DURAMAZ, système IDURAMAZ)
Philippe Léna, directeur de recherche à l’IRD. Orientation sociologique. Spécialiste de la question des fronts pionniers au Brésil, après avoir débuté sa carrière en Afrique de l’Ouest.
François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS. Géographe, spécialiste des Yanomami, son champ d’expertise s’étend à l’ensemble de l’Amazonie (Programme DURAMAZ, Programme USART)
Economie/Sciences Politiques
Elena Ciccozzi, chargée de cours et doctorante à l’IHEAL. Titulaire d’un Master en économie et administration (Université La Sapienza , Rome) et d’un Master de recherche en sciences politiques à
l’IHEAL/la Sorbonne Nouvelle. Ses recherches portent sur les politiques publiques et les questions de gouvernance dans l’accès et l’exploitation de la biodiversité. Longtemps fonctionnaire internationale des Nations Unies, notamment avec le PNUE et le PNUD, chargée de l’élaboration, mise en place, direction et évaluation de projets multistakeholders de développement durable, dans différents pays en transition et développement, notamment en Equateur.
Ecologie
Anne-Caroline Prévot-Julliard, Chargée de Recherche au CERSP, Muséum d’Histoire Naturelle. Spécialiste de la biodiversité urbaine.
Romain Julliard, Maître de conférences au Muséum d’Histoire Naturelle. Coordinateur du Programme Vigie Nature.
Laetitia Leray (stagiaire), Elève ingénieur à l’ENSAIA, à Nancy. Actuellement en 3ème année, spécialisation Sciences et Génie de l’Environnement, Master Ingénierie du Développement Durable.
Chloé Thierry (stagiaire), actuellement en 2ème année de Master Environnement, Sols, Eaux, Biodiversité ; Spécialité Biodiversité (Biologie de la conservation, SIG, Gestion Intégrée des Zones
Côtières) à Mont-Saint-Aignan (76).