Transitions écologiques
américaines

Repenser les modèles de développement
et une écologie politique depuis les rapports nord / sud

Coordination : David Dumoulin (MCF sociologie)

L’axe « Transitions écologiques américaines » (TEA) a émergé à partir du constat que de nombreuses recherches innovantes du CREDA explorent actuellement des dynamiques qui dépassent le simple cadre du « développement durable » tel qu’il a émergé il y a une trentaine d’années. Ce dépassement s’appuie, d’une part, sur la reconnaissance de la relative faiblesse des transformations structurelles déjà réalisées dans les Amériques face à une crise environnementale qui s’approfondit, et, d’autre part, sur l’émergence de nouveaux cadres conceptuels pour penser à nouveaux frais le projet de progrès et d’émancipation, autrement dit ce « développement » qui semblait faire consensus jusqu’à une date récente. Face à l’urgence environnementale, les croisements féconds entre études des sciences, anthropologie de la nature et géographie, le développement rapide des sciences de la conservation (intégrant les sciences sociales au delà de la « biologie de la conservation »), les modèles d’analyse sur les « communs » ou les discussions sur l’anthropocène et l’émergence des Humanités environnementales constituent autant de manières de penser les transitions écologiques par-delà la dichotomie entre nature et société.

La notion de « transition » est donc entendue ici, non pas seulement comme la recherche de solutions technologiques ou énergétiques, mais comme la manière de repenser l’orientation des modèles de développement. Les chercheurs de cet axe se retrouvent ainsi dans une « political ecology » qui met au centre de son analyse les rapports Nord/Sud et au cœur de ses méthodes l’interdisciplinarité. L’axe TEA entend contribuer à ces nouveaux développements des sciences sociales en montrant que les terrains américains, aussi divers soient-ils, ont une importance majeure dans ce ressourcement. Les recherches de cet axe se focalisent donc prioritairement sur la gestion et la perception, l’accès et l’appropriation conflictuelle des territoires et des ressources (l’eau, les forêts, la biodiversité sauvage/cultivée, des ressources du sous-sol ou les déchets).

© Aurélie Villaespesa | Concours photo « L’AMÉRIQUE LATINE DANS LA RUE » 2020

Deux grandes approches transversales inspirent les travaux de l'axe

1- En premier lieu, les recherches qui y sont menées contribuent à repenser certains cadres conceptuels, comme le couple progrès / développement, le rapport ville / campagne, les relations savoirs scientifiques / savoirs profanes, le rapport homme / animal, et les transitions énergétiques, les systèmes socio-écologiques comme concept et méthode d’analyse. Les recherches contribuent également à questionner les échelles d’intervention et la nature des territoires pris dans des flux globalisés, en particulier autour des néo-communautés constituées autour de « communs » (territoire, ressource ou projet de gestion); la redéfinition du rôle de l’État-nation dans la globalisation des initiatives environnementales, et proposeront des comparaisons sur l’ensemble du continent américain (et au-delà). L’intégration du multi-niveaux dans la réflexion sur l’environnement conduit ainsi à revisiter l’analyse des politiques de l’environnement.

2- En second lieu, parce qu’il vise délibérément à faire confluer des chercheurs provenant de la géographie, de la sociologie et de l’anthropologie (plus secondairement de l’histoire environnementale et de la science politique), l’axe TEA est aussi le lieu d’élaboration d’un langage commun sur la transition écologique entre ces disciplines, incluant également un dialogue avec les sciences de la nature dans la continuité des engagements épistémologiques de plusieurs membres de cet axe. De là découle naturellement une vocation d’expertise pour l’élaboration des politiques publiques de l’écologie, vocation que le CREDA porte de longue date sur ces thématiques comme le montrent l’appartenance de F.-M. Le Tourneau à l’observatoire Homme – Milieu Oyapok ou la nomination récente de F. Kohler au Conseil national de protection de la nature.

 

L’ensemble des membres de l’axe se rassemble autour de plusieurs activités transversales.

1- D’abord, le séminaire « Post-développements. Transitions écologiques américaines » (regroupé en journées d’études annuelles) concerne l’ensemble des membres de l’axe Il vise à faire dialoguer les réflexions américaines et européennes, permettra de rendre plus visibles, dans une perspective comparatiste et circulatoires, les apports des penseurs américains, ainsi que les expériences novatrices menées de part et d’autre de l’Atlantique en matière de transition écologique. Ce séminaire vise en outre à jeter les bases d’une discussion pour l’organisation de l’un des prochains colloques annuels de l’IdA, l’organisation de sessions dans des congrès internationaux, et à préparer un projet éditorial éponyme.

2- Des rencontres discussions autour de lectures proposées par les membres de l’axe (1ère séance prévue sur l’anthropologie amazonniste) et conférence autour d’invités constituent des activités transversales de l’axe tout au long de l’année, dans le but de pouvoir partager certaines références communes. La participation de tous les membres est encouragée mais facultative.

3- Une série de journées d’études est organisée par les collectifs formés autour d’objets communs (cf. enquêtes collectives ci-dessous). Une journée sera aussi consacrée à la présentation et discussion de protocoles de recherche originaux, tels qu’ils émergent de la collaboration entre sciences sociales et sciences biologiques (cas des études sur l’eau menée par F. Poupeau et certains de ses doctorants, de l’anthropologie du vivant et des relations avec les autres espèces à partir de l’enquête de F. Kohler sur les sociabilités bovines, enquêtes en milieux extrêmes à la manière de F.-M. Le Tourneau lors de ses diverses expéditions amazoniennes, etc.

© Yves Matringe | Concours photo « L’AMÉRIQUE LATINE DANS LA RUE » 2020

Cinq enquêtes collectives structurent les activités empiriques de l’axe TEA :

a) Perspectives sociologiques sur la crise des hydrocracies

(coord. Franck Poupeau)

Un premier volet de cette enquête collective analysera le champ des politiques hydriques et des régulations environnementales depuis les processus de fabrication des problèmes publics (sécheresse, changement climatique, etc.) jusqu’aux outils déployés pour y répondre en passant par les institutions et acteurs concernés. Un second volet, plus spécifiquement consacré aux savoirs, s’attachera à documenter deux étapes : 1) la fragmentation des réseaux urbains et l’insertion des savoirs d’ingénieurs qui sous-tendent la mise en place de ces infrastructures techniques, ainsi que leur circulation internationale (comparaison entre les États-Unis, le Mexique, la Bolivie et l’Europe notamment) ; 2) la remise en cause de ces pouvoirs, au cours du XXe siècle, non seulement par l’apparition de mouvements écologiques et l’émergence de phénomènes associés à la « transition écologique », mais aussi par la concurrence d’autres types de savoirs de nature plus managériale. Les activités prolongent le programme européen SWAN – Sustainable Water ActioN et de l’ANR BLUEGRASS – Struggles for Blue Gold : From Grassroot Mobilizations to the Internationalization of Environmental Policy).

b) La ville : Enjeux environnementaux, spatiaux et sociaux,

(coord. Cynthia Ghorra-Gobin)

Nos sociétés se retrouvent dans un contexte caractérisé par un cycle de mondialisation, globalisation et planétarisation (Dictionnaire critique de la mondialisation).  La mondialisation fait référence à l’intensification des échanges et des flux et la globalisation à la métamorphose du capitalisme qui se financiarise et s’émancipe du cadre national.  Quant à la planétarisation, elle renvoie aux représentations de la finitude de la planète Terre et de l’impératif d’une prise en compte explicite de la transition écologique. 

Dans ce contexte mondial – -concernant aussi bien l’Amérique du Nord que l’Amérique du Sud- -, la ville est reconnue par les chercheurs en sciences sociales comme le site privilégié du développement économique et des mutations sociales. Ces derniers désignent par le terme « métropolisation » les processus de recompositions sociale, spatiale et économique.  Les élus des grandes villes mènent ainsi des politiques d’attractivité territoriale pour assurer la compétitivité de leurs territoires et prennent conscience des enjeux liés aux ressources naturelles (eau, qualité de l’air), au changement climatique (risques, populations vulnérables) et la nécessité de penser la ville ‘résiliente’.  Aux Etats-Unis, les villes se mobilisent pour marquer leur distance vis-à-vis de l’Etat fédéral et font savoir qu’elles continueront de respecter leurs engagements vis-à-vis de l’Accord de Paris (2016).

Aussi l’objectif de ce séminaire consiste à mettre en évidence l’invention de la nouvelle échelle territoriale que représentent les villes sur des thématiques aussi différentes que la reconfiguration sociale et spatiale que l’adaptation au changement climatique et aux transitions écologiques.

c) Agroécologies et nouvelles logiques productives.

(coord. Jean Foyer)

Cette enquête réunit les chercheurs qui portent attention à la construction d’alternatives face à l’agrobusiness et aux initiatives de la société civile qui combinent à la fois d’autres pratiques productives, d’autres réseaux de distribution et d’autres imaginaires du progrès. Ré-ancrage dans les territoires et dynamique transnationale Nord / Sud sont en tension et interrogent les pratiques contemporaines de la globalisation (et la transformation du rôle des États).

d) Gouvernement des « grands espaces »

(coord. David Dumoulin)

Elle se poursuivra dans la continuité du précédent contrat,à partir du projet ANR GUYINT qui commence en janvier 2018. A partir d’une réflexion sur la notion de « gouvernement à distance » et d’études de cas entre le sud de la Guyane française et le nord de l’État de l’Amapá au Brésil, l’enjeu est ici d’analyser la reconfiguration contemporaine des relations entre pôles les plus densément peuplés des Amériques et les espaces à faible densité qui n’en sont pas moins de possibles leviers pour la protection du vivant.

e) Transitions énergétiques et néo-extractivisme.

(coord. Sebastien Velut)

Si la path dependence relative aux énergies fossiles (et plus largement aux stratégies de développement hautement carbonées) semble bien marquer l’époque actuelle au nord comme au sud du continent américain, de nombreuses expériences alternatives existent aujourd’hui. L’Amérique latine constitue par exemple un marché en pleine croissance dans le domaine des énergies renouvelables (éoliennes, solaires). Cette analyse des transitions énergétiques mobilisera en particulier les notions de systèmes socio-écologiques et de modélisation des relations sociétés-environnement afin d’analyser les modalités complexes de (re)création de « communs ».

© Alber Piazza | “Ladrones-del-futuro”

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