Communiqué IHEAL-CREDA affaire Sandoval

Communiqué IHEAL-CREDA affaire Sandoval

Communiqué face aux attaques contre les membres de l’IHEAL

Mario Sandoval a attaqué en justice deux membres de l’IHEAL. Cet ex-policier franco-argentin agissait pendant la dictature militaire de 1976-1983 dans la ESMA (Ecole de mécanique de la Marine) le centre de torture, de mort et de disparitions le plus grand de l’Argentine. Après avoir été extradé par la France en 2019, il a été condamné par un tribunal argentin à 15 ans de prison en décembre 2022 pour l’enlèvement et la torture d’un étudiant de 24 ans en 1976. Depuis sa cellule et avec l’assistance d’un cabinet d’avocats parisien, il a attaqué en diffamation Olivier Compagnon, historien, professeur des universités, et Polymnia Zagefka, sociologue, maître de conférences. Tous deux sont membres du CREDA et ont été directeurs de l’IHEAL.

Que reproche le tortionnaire à nos collègues ? Polymnia Zagefka a expliqué à la presse qu’au moment de prendre la tête de l’IHEAL, elle avait retiré le soutien accordé à Sandoval par son prédécesseur pour l’organisation d’un colloque, car « ce qu’il proposait n’avait aucune espèce de valeur scientifique. Il n’avait invité aucun chercheur, mais seulement des militaires, pour la plupart colombiens ». Olivier Compagnon a, quant à lui, expliqué au même journaliste les raisons pour lesquelles il a refusé de participer au cours qu’il était chargé de partager avec Sandoval : « Il enseignait uniquement des considérations très militaires, du genre le nombre de mines à la frontière entre le Venezuela et la Colombie. Ce n’était pas du tout ce qu’attendaient les étudiants, plus intéressés par l’expérience Chavez, qui paraissait renouveler la gauche latino-américaine » (Streetpress.com, 22/09/2020).

Nous nous demandons ce qui peut inciter M. Sandoval à traduire nos collègues devant un tribunal, mais nous nous demandons avec plus d’étonnement encore ce qui peut pousser les magistrats à donner suite à la plainte de l’ex-policier, de surcroit tenu responsable et condamné par les faits qu’on lui reproche. Il est évident que les propos que nous venons de citer ne relèvent en aucun cas d’une forme quelconque de diffamation ou injure publique.

De nombreuses personnes continuent à nous demander comment les autorités de l’IHEAL de l’époque ont pu embaucher un tel personnage comme enseignant. Nous ne le savons pas. Imaginons que les intéressés ne savaient pas qu’il s’agissait d’un ancien agent de la ESMA ; au regard du CV présenté alors par l’ex-officier de police, quelles ont pu être les compétences estimées d’intérêt pour des étudiants de sciences sociales de l’Amérique latine ?

Les investigations journalistiques publiées par plusieurs médias laissent voir une trame tissée autour de l’ex-agent aussi trouble que complexe agissant en France pendant plusieurs années. C’est certainement en son sein qu’on trouvera les éléments permettant de comprendre pourquoi un tel agent a été missionné dans une université aussi prestigieuse que la nôtre.

Nous manifestons tout notre soutien à nos deux collègues avec qui nous sommes pleinement solidaires et dont la probité ne fait aucun doute. Il s’agit de deux scientifiques de premier rang avec qui nous avons le privilège de partager les salles de l’université. Les attaques qu’ils subissent ciblent en réalité l’IHEAL comme institution de la démocratie.

Denis Merklen, directeur de l’IHEAL

Franck Poupeau, directeur du CREDA